... « Il faut un sens particulier pour entendre le silence du sentiment. »
Antoine Claude Gabriel Jobert ; Le trésor de pensées (1852)
Dans la pénombre naissante de l’atelier, la silhouette compacte de l’artiste se penche vers la roue déployée sur le bois de la table. C’est la même ombre que celle du philosophe peint par Rembrandt en 1632, le même calme, le même poids sur les épaules repliées, les mêmes circonvolutions du décors. Là, l’espace est totalement habité de grandes tresses en papier... Là-bas l’espace était intégralement occupé par l’escalier déployé. La même gravité y règne, la même profondeur, la même intensité, le même profond silence.
Ici, nous sommes à Nogent, dans l’atelier du peintre Guy Houdoin, devenu un jour Odon pour tous, mais resté Guy pour moi... Je ne suis jamais vraiment parvenu à l’appeler par son nom d’artiste.
Je l’ai regardé souvent tresser. J’aimais cela. Il m’expliquait les gestes. Il fallait qu’il décode, qu’il justifie chaque nouvelle méthode, chacun des moyens nouveaux, chacune des nouvelles manières de nouer, de virer, de ligaturer. Ses explications s’appuyaient toujours de chiffres. Le trois et le sept étaient les plus utilisés. Bien sûr, je me moquais un peu des règles, seuls les gestes m’intéressaient. Je voulais voir faire ses mains, jouer ses doigts, comme on regarde béat, les mains du pianiste parcourir le clavier. Je désirais l’observer faire. Nous les peintres, nous comprenons bien mieux ce que nous regardons que ce que l’on veut nous expliquer.
Philippe Guesdon, 2018
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Avec l’aimable autorisation de Colette Houdouin